Les droits d´inscription à l´université: ce que j´en pense!

L´annonce faite par le Conseil des Universités d´augmenter, à partir de la rentrée 2012-2013, les droits
d´inscription à l´université de 6.000  à 100.000 francs CFA fait couler beaucoup d´encre.
C´est une pilule amère que les étudiants vont devoir avaler après celle non moins amère qui a concerné la décision, en 2010,  de fermer cette même université pour deux ans.

La grogne de plus en plus forte à laquelle on assiste en ce moment était prévisibles, évidente, voire légitime. Mieux, on la comprend. La mesure est impopulaire. Et même ceux qui l´ont prise le savent.
La Côte d´Ivoire est un pays pauvre qui n´a véritablement pas connue de stabilité politique depuis 1999, année du coup d´état contre le président Bédié. Son système éducatif est malade depuis le début des années 90.
L´université, ce sanctuaire du savoir et de l´excellence qu´il fut naguère, était dans un état avancé de déliquescence,  de décrépitude et d´auto-destruction…Tant en ce qui concerne les infrastructures que la qualité de l´enseignement qui était en chute libre.

Et il fallait faire quelque chose. À savoir, un changement radical, une rupture sans compromis ni complaisance avec le passé. Ça, tout le monde était d´accord là-dessus.

Pourquoi alors toute cette manifestation bruyante d’hostilité  contre ce qui n´est encore que proposition et qui n´est pas encore entrée en vigueur? Le gouvernement ne l´a pas encore entérinée, cette décision. Et j´espère qu´elle ne le fera pas dans sa forme actuelle.

Les gens ont peur et ils ont raison d´avoir peur! Mais ils ont surtout le droit d´exprimer leurs inquiétudes.
Même si ceux qui ont pris cette décision n´ignorent pas la condition économique des ivoiriens, il
n´est pas inutile de leur rappeler que du fait des crises successives que la Côte d´Ivoire traverse depuis 13 ans, tous les indicateurs économiques ont pratiquement viré au rouge avec des taux de chômage qui atteignent 60% (la réalité fait plus peur). Que les reformes en cours n´ont pas encore eu de répercussions sur le marché du travail.
Que les gens éprouvent beaucoup de peine à nourrir leurs familles, à se soigner et à soigner les siens, à payer leurs loyers…
Les gens font assez de sacrifices comme ça et se posent des questions sur les intentions réelles de ce gouvernement « qui quémande une baisse des prix sans succès avec les commerçants depuis un an mais qui, quand il s´agit de rendre la vie plus chère,  est plus rapide que Usain Bolt? »

Le gouvernement ivoirien n´est pas plus libéral que celui du Sénégal mais Macky Sall, deux jours après son investiture, a fait baisser les prix des denrées de premières nécessites à un niveau raisonnable pour le sénégalais lambda. Par un simple décret!

Cependant, à la décharge des autorités gouvernementales et du conseil des universités, ceci : on ne peut non plus rejeter du revers de la main le fait que les élèves et étudiants d´aujourd’hui dépensent plus d´argent pour beaucoup moins vital que ça. Les virées dans les boîtes et maquis arrosées au champagne, les portables derniers cris  et les dépenses pour la sape, les perruques, les make-up, les achats de crédits aux providers de téléphonies mobiles ne coûtent pas moins de 10.000 francs le mois. C´est une réalité. Or 100.000 francs sur neuf mois font, arrondis, 11.000 francs et même moins sur douze mois, soit 8333 francs/mois.
La vie est un choix. Et parfois, il faut savoir se priver de certaines jouissances, poser ses priorités.
On peut toujours s´amuser plus tard, il n´est jamais trop tard pour se faire plaisir.

Mais malgré l´émoi et le sentiment d´injustice sociale que cette décision entraîne, chacun doit faire
l´effort d´admettre au moins deux choses:

-  l´université ivoirienne ne peut plus fonctionner comme elle l´a fait jusqu’à maintenant. Elle doit retrouver son lustre d’antan  et redevenir le creuset de l´intelligence et du savoir dont la vocation est de former l´élite de demain, celle qui doit relever les défis du développement.
Chose impossible si la qualité dans l´enseignement dispensé et les infrastructures qui vont avec ne sont pas au diapason.

-  les 6000 francs qui étaient exigés jusque là comme droit d´inscription, reconnaissons-le, nécessitaient une mise a jour!
Le contexte a changé et les aspirants aux études supérieures sont, au bas mot, cinq fois plus nombreux, voire plus, qu´il y a 30 ans. Faute de financement les infrastructures suivent à peine le rythme et un cadre conçu pour deux ne résistent pas longtemps s´il en accueille sept.

Si les fonds recueillis par cette augmentation seront affectés à l´amélioration des conditions
d´études et de vie de l´étudiant, il y ´aura très peu à redire. L´étudiant sera dans une position plus confortable pour exiger plus de qualité, plus de matériels didactiques, plus d´outils informatique, un cadre de vie meilleure…

Le projet de replacer la Côte d´Ivoire sur l´orbite du développement est une entreprise qui fait rêver et cela
n´est réalisable que si une reforme structurelle profonde est faite; le projet n´aura de chance
d´aboutir que si tout le monde est impliqué y compris les plus vulnérables, en l´occurrence, les pauvres et les démunis de la société.

Beaucoup veulent et peuvent étudier avec succès mais n´en ont pas les moyens.
Il serait salutaire et louable d´envisager des prêts sous forme de bourses remboursables par
l´étudiant économiquement faible dès l´entame de sa carrière professionnelles à un taux proportionnel à ses revenus.

Et comme le libéralisme doit aussi être humain, pourquoi ne pas effacer totalement cette « dette » si les bénéficiaires finissent leurs études dans les délais (3 ans pour la licence). Et seulement jusqu’à la licence Comme prime, encouragement à ne pas traîner à l´université. Libre à eux de payer de leur poche pour la maîtrise ou le doctorat.
Pour ceux d´entre eux un peu mieux loti, un remboursement du 1/3 des frais engagés en guise de reconnaissance et de récompense pour le travail accompli en 3 ans.

Mais un changement de mentalités aussi s´impose. L´université n´est pas la seule route qui mène à un emploi bien payé. Les formations professionnelles qui aboutissent à la création de petites et moyennes entreprises est par exemple, le socle sur lequel repose l´économie d´un pays aussi puissant et développé que l´Allemagne.
Demain, la Côte d´Ivoire aura besoin d´ouvriers qualifiés pour l´industrie, de jeunes bien formés au techniques modernes et hygiéniques de la boucherie, de la boulangerie, de sage-femmes, de mécaniciens, d´électriciens et j´en passe. On peut bien en vivre.
Pour s´en convaincre, il n y a qu´à regarder autour de soi, ce qui se fait dans l´informel et qui fait vivre son homme.

L´université ne peut pas être tout le temps sous perfusion au risque de voir l´argent faire défaut ailleurs. La santé, les infrastructures (routes, ponts, transports publics), les logements sociaux, les efforts de salubrité, les écoles, les maternelles ont aussi besoin d´être financés…
L´université doit apprendre à être un peu plus autonome, l´étudiant à devenir plus responsable de son destin.

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