Yasmine Ouégnin devait dire « oui »!

chère madame, honorable députée,

sur les réseaux sociaux , dans les maquis, dans les marchés et les quartiers, les débats autour de cette loi, peut-être la plus discutée de l´histoire de la Côte d´Ivoire, continuent de faire rage. Même la diaspora n´est pas épargnée. Tout tourne autour du seul nom Yasmine Ouégnin. Votre nom. Vous êtes la trame, la vedette, la star. Vous êtes en première ligne. À votre corps défendant peut-être. Ou bien par calcul politique. Si vous êtes au centre du débat ce n´est pas tant parce que vous êtes député ou femme mais parce que vous êtes les deux. La preuve aucun mot sur vos collègues masculins, ces “chefs naturels » de la famille et partant de la société. Pas même une allusion à Kouadio Kpli Delphin, celui qui a dépose l´amendement au nom du front du refus.

Eux ont des circonstances atténuantes. Ce sont des hommes, c´est leur « comme ça ». Vous par contre, une députée parmi les huit qui ont opposé une fin de non-recevoir à ce projet de loi, votre nom est sur toutes les lèvres. À Treichville, on dira que votre nom est dans toutes les bouches. À ce rythme, vous y parviendrez , à détrôner votre respectable papa, en termes de popularité, en un temps record. Lui qui a bâti la sienne sur plus de 50 ans et sur d´autres valeurs.

Beaucoup de gens, dont moi, se demandent et continuent de se demander, pourquoi, diantre, un député jeune et de surcroît une femme aussi moderne qu´on puisse le supposer ait pu voter contre un projet de loi qui vise à protéger juridiquement la famille et à renforcer des droits de la femme.
Pour les uns, vous êtes une héroïne. Celle qui a dit non à un projet de loi qui visait à décapiter la société car une société sans chef est une société décapitée. Vous êtes la Sékou Touré des temps modernes. Vous êtes celle qui a résisté aux pressions du gouvernement, qui a refusé ce qu´elle considère comme une compromission, celle qui a agit au nom de sa conviction et de sa perception de la démocratie. En âme et conscience. Pour vous emprunter votre formule. Dans ce lot de supporters, beaucoup de personnes qui applaudissent tout ce qui contrarie le gouvernement actuel et, au-delà, celui qui l´incarne.

Pour d´autres , vous entrez dans l´histoire comme la femme qui a trahi la cause des femmes. La femme intellectuelle à laquelle il a échappé que ni la religion ni la tradition n´ont jamais développé un pays que la Côte d´Ivoire est un pays laïc qui aspire au développement et qui, par conséquent, ne saurai s´encombrer des chaînes paralysantes de la religion et de la tradition.
Ceux-là ne comprennent pas qu´une femme émancipée comme vous, qui a voyagé partout , en Afrique, en Occident, et qui a lu plus d´un livre, ait pu voté “contre”; parmi eux, certains vous voient comme une égoïste qui jouit de droits qu´elle refusent aux autres; du fait que vous continuez de porter votre nom de jeune fille quoique mariée, ils en déduisent que c´est vous le chef de famille et non votre époux. Mais la réplique à ceux-là est un exercice facile: et si ça se trouve que votre époux, par hasard, est un Ouégnin? C´est possible.

Bref! Madame la députée, vous avez raison de souligner l´importance du débat contradictoire, la sève nourricière de la démocratie. Et là vous avez mon soutien infaillible.
Quand vous dites “Faire disparaître la notion de chef du code de la famille n´est, à mon avis, pas forcément faire émerger les droits de la femme”. Là aussi, vous avez indiscutablement raison.
Surtout que, comme vous le soulignez, des centaines de lois ont été votées dans la vie de cette jeune Nation, mais très peu d´entre elles ont été appliquées.

Mais voter “contre” au motif que d´autres n´ont pas été appliquées, ne les fait pas émerger non plus. C´est un peu trop émotionnel , contre-productif, voire, tiré par les cheveux.
Il ne s´agissait pas de voter pour la construction d´une station balnéaire, ou l´éclairage des forêts, ou de la construction d´un édifice non indispensable, non madame la députée, il s´agissait de dire “non” à l´arbitraire et à la discrimination dont est victime la femme au quotidien, de dire “non” aux inégalités sociales et fiscales entre l’homme et la femme dans le couple.
Aucune société ne peut se développer quand la moitié de sa population est privée de droit.
Il fallait voter “pour” et par la suite se lancer dans une croisade pour ressusciter ses lois, « ces acquis du passé, leur donner un sens« . Vous auriez pu en faire votre cheval de bataille, votre filon d´or, votre créneau…

Après coup, remerciez le ciel que cette loi ait été voté. Vous, en tant que députée, vous avez certainement déjà entendu parler du MCC et l´importance que le président de la République accorde à son achèvement: 500 milliards de francs. Voilà la somme que la Côte d´Ivoire risquait de voir passer sous son nez. À cause d´une banale question de principe. Cette loi sur le mariage étant une des exigences pour rentrer dans les grâces de ce programme d’aide américain (Millenium challenge corporation ou MCC). Un programme pour lutte contre la pauvreté. Vous n´êtes pas sans le savoir: les premières victimes de la pauvreté sont les femmes et les enfants. Ce n´est pas moi qui le dit mais les statistiques.

Si la fronde des députés que vous meniez avait eu raison de ce projet de loi, imaginez la “Une” des journaux “pro-loi” sensationnalistes qui pilulent à Abidjan. Ça allait être une catastrophe nationale mais pour vous, une catastrophe personnelle.
Si vous m´aviez demandé mon avis, voila ce que je vous aurais dit: “Madame la députée, montrez votre disponibilité à approuver cette loi; mais engagez le débat au parlement pour qu´une partie des 500 milliards de frs soient dévolue à des structures œuvrant pour l´instruction et l´indépendance financière de la femme , pour ouvrir des centres accueil à celles d´entre elles qui sont battues, répudiées ou jetées à la rue avec leurs enfants, pour financer des projets de formations ou des startup….”
De cette façon, vous auriez rendu plus de services à la famille, à la femme et à l´enfant et vous n´auriez renié en rien ni vos valeurs, ni votre engagement, ni vos convictions.
En votant contre la forme, vous avez aussi, malheureusement, voté contre le fond.
Cela dit la loi a été votée et le ciel n´est pas tombé sur la tête de la Côte d´Ivoire. Le soleil quant à lui, se lève toujours à l´Est. Comme à l´accoutumée.
Je vous souhaite bon vent dans la suite de votre jeune carrière politique tout en espérant que votre sortie, que je continue de considérer comme un faux-pas, ne vous porte préjudice.

PS: je vous conseille vivement de faire un tour sur les blogs suivants pour compléter la lecture:

http://kanigui.blogspot.de/2012/11/effets-de-la-nouvelle-loi-sur-le-mariage.html

http://simplesavis.blogspot.fr/2012/11/jeune-depute-conservateur-ou-ma-reponse.html?m=1

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